Voilà deux ans que Juliette habite le quartier Nord. Elle est originaire de la Hesbaye (région fruitière) qui s’étend sur le sud du Limbourg et sur le Nord de la province de Liège. Là il n’y a jamais eu de problèmes linguistiques. Chaque commerçant est bilingue.
A Bruxelles il s’agit d’une tout autre histoire. Lorsqu’on adresse la parole à quelqu’un en néerlandais on t’insulte. Même les allochtones te disent : tu es ici à Bruxelles donc il faut parler français. Je ne savais pas ce que j’entendais quand on m’a dit cela. Je reste conséquente et je parle néerlandais à tout le monde.
Avant c’était bien pire, on était considéré avec dédain et traité de paysan. Maintenant on trouve que je parle une langue énervante. Ils sont jaloux des subsides que reçoivent les néerlandophones. Cela relate la relativité des représentations humaines mais je reste très critique face à cela.
J’étais enseignante dans une école villageoise à Borgloon, au coeur de la Hesbaye. J’y ai tout enseigné. Je donnais cours dans l’enseignement spécial. Il y avait moyen d’y expérimenter ; il y a avait une large place pour la créativité. Nombreux étaient ceux qui tripotaient et qui travaillaient insuffisamment. Ils sont donc devenus plus exigents. Durant mon temps libre je suivais également des cours. On maintient son esprit critique mais personnellement je ne suis pas critique.
Ma première impression de Bruxelles. Je connaissais Bruxelles par toutes les expositions que je venais visiter. Mais je connaissais déjà New York. Mais je trouve Bruxelles plus agréable que New York car il y a moins de hauts bâtiments.
J’ai déménagé à Bruxelles pour l’offre culturelle très large. J’habite à une distance de marche de toutes ces institutions culturelles : près du Bozar, la Monnaie, le KVS, le Théâtre National ainsi que près de la bibliothèque. J’habite dans le Pentagone, près du Centre Harmonie. Mon fils m’y a trouvé un appartement. Au Centre Harmonie on va dans ces temples de la culture grâce aux chèques culturels, autrement cela serait trop cher pour ma petite retraite.
Harmonie est, selon moi, le seul lieu de rencontre qui est culturellement aussi actif. Mais les autres essayent aussi de faire plus d’effort. J’habite à côté et à mon âge je ne vais pas chercher plus loin ; je suis bien ici.
J’essaye également de visiter tous les musées ; j’aime les arts anciens et l’histoire. J’ai aussi visité ces pays : l’Egypte, la Grèce, la Sicile, l’Italie, les îles grecques. Mais je suis aussi intéressée dans l’art des Mayas. Je rassemble déjà toute ma vie de la documentation au sujet des autres cultures. Quand j’étais jeune j’avais un poster représentant un masque Maya. J’ai aussi visité à Bruxelles l’exposition sur les Mayas.
Aux alentours du quartier il y a beaucoup de culture. Il suffit d’y aller, tout est à distance de marche. Si on ne connait pas on n’aime pas. J’ai toujours montré un vif intérêt pour la culture : musique, culture, art…. Je suis souvent allée au musée Gallo-Romain. Je connaissais l’histoire et racontait celle-ci à mon fils. A Saint Trond j’allais au théâtre et à Hasselt à l’opéra. J’ai joué moi-même du théâtre. Les deux ans avant de venir habiter Bruxelles j’étais régisseuse au théâtre du dialecte de Borgloon.
Dans ce quartier j’ai peu de contacts. Mais ici à l’Harmonie c’est facile. On apprend à connaître les gens à table. Aussi d’autres nationalités. Avec ma voisine j’ai de bons contacts. Elle est Portugaise. Elle m’a déjà demandé de pouvoir cuire un dessert dans mon four.
Quand les gens d’Hasselt viennent à Bruxelles, ils trouvent les rues de Bruxelles sales. Il faudrait voir comme on démolit les bacs à fleurs même au centre de la ville. Quand on fait quelque chose de positif c’est immédiatement détruit. Par exemple mettre des fleurs en rue. On les arrache. Mais quand on soigne les fleurs certaines personnes vous parlent et vous soutiennent même. Il suffit d’avoir 5% de casseurs. Mais avec 5% de positifs on n’avance pas.
Au Centre Harmonie il faut saluer tout le monde autrement ils sont fâchés. Je vis seule et si je n’avais pas les contacts de Harmonie je ne connaîtrais personne. Si je n’avais pas Harmonie je me languirais de solitude.
Les gens de Bruxelles sont très renfermés nonobstant leur nationalité. Au Limbourg c’est la mentalité de dire : allée viens boire une tasse de café ou un petit verre de vin.
Ici c’est comme si j’allais te dévorer mais je suis quelqu’un de très ouvert. Même les plus jeunes Limbourgeois sont des personnes très ouvertes et vous invitent chez eux. Ici à Bruxelles j’emmène aussi des gens chez moi ; il ne faut pas aller au café.
Avant quand j’allais au café c’était dangereux car je devenais vite ivre. Ils demandaient toujours ce que cette jeune femme voulait boire. Plusieurs fois j’ai dû appeler pour demander s’il était possible de me reconduire à la maison en voiture.
Les Limbourgeois s’adaptent à tout le monde. Les gens sont très hospitaliers en comparaison avec Bruxelles. Si un étranger y demande son chemin on l’accompagnera pour lui montrer la route. C’est plus facile que de le lui expliquer. Même si moi-même je suis quelqu’un d’ouvert il s’agit aussi de notre culture.
Ici les gens sont renfermés car ils ne se sentent pas en sécurité. Les personnes âgées ne portent pas de bijoux de peur d’être agressées. Si je m’habille bien ce n’est pas pour être attaquée ; je n’ai plus besoin d’un homme.