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Juliette

Voilà deux ans que Juliette habite le quartier Nord. Elle est originaire de la Hesbaye (région fruitière) qui s’étend sur le sud du Limbourg et sur le Nord de la province de Liège. Là il n’y a jamais eu de problèmes linguistiques. Chaque commerçant est bilingue.

A Bruxelles il s’agit d’une tout autre histoire. Lorsqu’on  adresse la parole à quelqu’un en néerlandais on t’insulte. Même les allochtones te disent : tu es ici à Bruxelles donc il faut parler français. Je ne savais pas ce que j’entendais quand on m’a dit cela. Je reste conséquente et je parle néerlandais à tout le monde.

Avant c’était bien pire, on était considéré avec dédain et traité de paysan. Maintenant on trouve que je parle une langue énervante. Ils sont jaloux des subsides que reçoivent les néerlandophones. Cela relate la relativité des représentations humaines mais je reste très critique face à cela.

J’étais enseignante dans une école villageoise à Borgloon, au coeur de la Hesbaye. J’y ai tout enseigné. Je donnais cours dans l’enseignement spécial. Il y avait moyen d’y expérimenter ; il y a avait une large place pour la créativité. Nombreux étaient ceux qui tripotaient et qui travaillaient insuffisamment. Ils sont donc devenus plus exigents. Durant mon temps libre je suivais également des cours. On maintient son esprit critique mais personnellement je ne suis pas critique.

Ma première impression de Bruxelles. Je connaissais Bruxelles par toutes les expositions que je venais visiter. Mais je connaissais déjà New York. Mais je trouve Bruxelles plus agréable que New York car il y a moins de hauts bâtiments.

J’ai déménagé à Bruxelles pour l’offre culturelle très large. J’habite à une distance de marche de toutes ces institutions culturelles : près du Bozar, la Monnaie, le KVS, le Théâtre National ainsi que près de la bibliothèque. J’habite dans le Pentagone, près du Centre Harmonie. Mon fils m’y a trouvé un appartement. Au Centre Harmonie on va dans ces temples de la culture grâce aux chèques culturels, autrement cela serait trop cher pour ma petite retraite.

Harmonie est, selon moi, le seul lieu de rencontre qui est culturellement aussi actif. Mais les autres essayent aussi de faire plus d’effort. J’habite à côté et à mon âge je ne vais pas chercher plus loin ; je suis bien ici.

J’essaye également de visiter tous les musées ; j’aime les arts anciens et l’histoire. J’ai aussi visité ces pays : l’Egypte, la Grèce, la Sicile, l’Italie, les îles grecques. Mais je suis aussi intéressée dans l’art des Mayas. Je rassemble déjà toute ma vie de la documentation au sujet des autres cultures. Quand j’étais jeune j’avais un poster représentant un masque Maya. J’ai aussi visité à Bruxelles l’exposition sur les Mayas.

Aux alentours du quartier il y a beaucoup de culture. Il suffit d’y aller, tout est à distance de marche. Si on ne connait pas on n’aime pas. J’ai toujours montré un vif intérêt pour la culture : musique, culture, art…. Je suis souvent allée au musée Gallo-Romain. Je connaissais l’histoire et racontait celle-ci à mon fils. A Saint Trond j’allais au théâtre et à Hasselt à l’opéra. J’ai joué moi-même du théâtre. Les deux ans avant de venir habiter Bruxelles j’étais régisseuse au théâtre du dialecte de Borgloon.

Dans ce quartier j’ai peu de contacts. Mais ici à l’Harmonie c’est facile. On apprend à connaître les gens à table. Aussi d’autres nationalités. Avec ma voisine j’ai de bons contacts. Elle est Portugaise. Elle m’a déjà demandé de pouvoir cuire un dessert dans mon four.

Quand les gens d’Hasselt viennent à Bruxelles, ils trouvent les rues de Bruxelles sales. Il faudrait voir comme on démolit les bacs à fleurs même au centre de la ville. Quand on fait quelque chose de positif c’est immédiatement détruit. Par exemple mettre des fleurs en rue. On les arrache. Mais quand on soigne les fleurs certaines personnes vous parlent et vous soutiennent même. Il suffit d’avoir 5% de casseurs. Mais avec 5% de positifs on n’avance pas.

Au Centre Harmonie il faut saluer tout le monde autrement ils sont fâchés. Je vis seule et si je n’avais pas les contacts de Harmonie je ne connaîtrais personne. Si je n’avais pas Harmonie je me languirais de solitude.

Les gens de Bruxelles sont très renfermés nonobstant leur nationalité. Au Limbourg c’est la mentalité de dire : allée viens boire une tasse de café ou un petit verre de vin.

Ici c’est comme si j’allais te dévorer mais je suis quelqu’un de très ouvert. Même les plus jeunes Limbourgeois sont des personnes très ouvertes et vous invitent chez eux. Ici à Bruxelles j’emmène aussi des gens chez moi ; il ne faut pas aller au café.

Avant quand j’allais au café c’était dangereux car je devenais vite ivre. Ils demandaient toujours ce que cette jeune femme voulait boire. Plusieurs fois j’ai dû appeler pour demander s’il était possible de me reconduire à la maison en voiture.

Les Limbourgeois s’adaptent à tout le monde. Les gens sont très hospitaliers en comparaison avec Bruxelles. Si un étranger y demande son chemin on l’accompagnera pour lui montrer la route. C’est plus facile que de le lui expliquer. Même si moi-même je suis quelqu’un d’ouvert il s’agit aussi de notre culture.

Ici les gens sont renfermés car ils ne se sentent pas en sécurité. Les personnes âgées ne portent pas de bijoux de peur d’être agressées. Si je m’habille bien ce n’est pas pour être attaquée ; je n’ai plus besoin d’un homme.

Ergun Mecit 54 ans,

Autrefois il  travaillait comme nettoyeur à Bruxelles. Cela fait quatre ans qu’il est président de la mosquée Diyanet. Depuis trente ans il habite Bruxelles.

« Maintenant c’est bien dans le quartier mais avant c’était mieux. Il y  avait moins de violence et moins de saleté en rue. Parfois c’est une véritable poubelle ici. Même devant la mosquée et son salon de thé ils déposent de la saleté ».

Il est originaire d’Emirdag. Là-bas il avait bien plus de contacts sociaux. En Turquie, tu as de meilleurs contacts avec la famille qu’en Belgique. En Turquie, frères et soeurs habitent presque ensemble. Les gens y sont moins renfermés. Ici  il est plus difficile de nouer des contacts sociaux. Les gens en Turquie bavardent plus, ils racontent leur vie entière .Dans le quartier c’est la bonne vie. Ils ne doivent rien changer. Nous avons notre mosquée »  et il rit.

« Parfois d’autres nationalités viennent aussi dans notre mosquée et dans le salon de thé. Tout le monde est bienvenu ici : aussi bien les Marocains que les Belges ».

Il trouve qu’il y a beaucoup d’Africains qui viennent dans le quartier. Ils aiment faire de la musique et aiment danser.

Il passe toute la journée dans la mosquée où il fait cinq fois par jour sa prière. Entretemps  il vient boire quelque chose et bavarder un peu avec les autres hommes turcs dans le salon de thé. »

Pakistanais 38 ans,

Il est originaire du  Cachemire où il habitait un petit village. Il habite depuis 12 ans dans le quartier Nord. « Dans cette partie du quartier (le haut du quartier) il y a peu de Pakistanais, seulement quatre familles. Mais nous entretenons de bons contacts avec eux ».

Il se sent bien dans le quartier. Il trouve qu’il y a autant de contacts qu’au Pakistan. C’est pourquoi il trouve que le quartier n’est pas tellement différent du Pakistan. Bien qu’ici la situation économique est meilleure qu’au Pakistan. Ici il est gérant d’un station service et d’un garage. Par son travail il a de bons contacts avec les différentes nationalités, avec les Belges qui sont assis plus loin dans un café, avec les Marocains, les Bulgares et les Turcs du quartier. Les Marocains et les Turcs se comportent parfois de manière agressive mais dans l’ensemble cela va.

Il travaille durement du matin au soir. C’est la raison pour laquelle il n’a pas beaucoup de temps libre pour s’occuper de culture. Il pourrait y avoir plus de musique dans le quartier.

Personnellement il trouve qu’on ne devrait pas changer beaucoup dans le quartier. C’est  bien ici.

Malkos Kahamar

Malkos Kahamar (né en 1955 ou 1957) contrôle le budget et la comptabilité de la mosquée (mosquée officielle de la Diyanet) et habite déjà 43 ans dans le quartier.

Il est originaire de la ville de Trabzon, située au bord de la Mer Noire en Turquie. « Les gens y sont très aimables et accueillants.  Ils vous payent à manger et à boire et viennent vous aider immédiatement en cas de panne de voiture. Ils aiment les étrangers ; ils ont une autre mentalité que dans le reste de la Turquie. Tout le village vous reçoit avec les bras ouverts et vient vous saluer si vous êtes un étranger. En Turquie, il y a différentes mentalités. Dans certaines régions ils sont moins accueillants parfois ils ne te disent même pas bonjour. Les gens de la région de Trabzon ont une autre culture, ils font plus d’effort pour apprendre le français, ils recherchent les contacts sociaux, ils ont de la culture, s’aident entre eux, se lancent dans les affaires s’ils n’ont pas de travail. Nous les gens de Trabzon nous riions aussi beaucoup ; nous avons toujours quelque chose de drôle à se raconter. Ici dans le quartier les gens de Trabzon sont peu nombreux ».

A 14 ans il est venu chez son frère et son père qui travaillaient  ici. Il a refait ici la sixième année primaire  et ensuite il est allé dans une école technique. « C’est difficile ici pour les nouveaux venus turcs car ils parlent uniquement  turc. Les Marocains parlent déjà le français. Celui qui ne connaît ni le français ni le néerlandais n’a aucune chance de trouver du travail. « Et tu ne peux même pas louer une maison si tu ne parles pas la langue ». En six mois il a appris le français ».

« J’ai élevé sept enfants dans le quartier Nord. Je les ai mis dans une école flamande. Tout le monde riait avec moi mais maintenant certains ont étudié et ont trouvé du travail parce qu’ils sont bilingues ».

« Quand je suis arrivé ici j’ai trouvé le quartier super. Rien n’était démoli. Maintenant c’est devenu un quartier de passage. A l’époque que je suis venu ici il y avait beaucoup de Belges, d’Italiens (eux ont aussi fui le quartier comme les Belges), des Espagnols (ils sont aussi partis). Les Grecs sont restés. On les retrouve essentiellement dans le commerce et les cafés. J’ai beaucoup d’amis grecs et j’entretiens des bons contacts avec eux. Mais à vrai dire je suis ami avec tout le monde ; avec les Marocains, les Roms et les Bulgares. La race d’une personne ne dit rien, bien que j’aime  beaucoup mon propre pays et que je m’appelle un nationaliste. J’ai aussi de bons contacts avec des Belges. Moi-même aussi  je me sens parfois un Belge pur et parfois un Turc pur. Dans cette ville je ne me sens pas comme un étranger ; je me sens Bruxellois. Quand il y avait encore beaucoup de Belges dans le quartier on se disait bonjour, bonjour mais maintenant c’est  salam aleikum ».

Il y a quelques années l’ambiance dans le quartier Nord était bien. On trouvait essentiellement des Marocains et des Turcs. Maintenant il y a des Roms, des Noirs, des Bulgares et des Sud-Américains.  Bien que je suis aussi Turc le quartier était autrefois mieux car il y avait moins d’étrangers. Il est difficile de rechercher un équilibre entre les différentes cultures. Les nouveaux venus respectent moins les rues. Ils déposent leur saleté en rue. Ils n’ont aucune éducation en ce qui concerne la propreté. Se comportent-ils ainsi  dans leur pays ? Pendant la nuit ils font beaucoup de bruit, ils crient et ils ont peu de respect pour autrui.  La pauvreté fait des ravages dans le quartier.

Avant c’était véritablement super ici mais ils ont beaucoup démoli. Nous étions fâchés mais maintenant plus car nous avons reçu de tout dont un beau parc ».

Autrefois nous avons eu  beaucoup de difficultés pour démarrer un café ou implanter une mosquée dans le quartier. Maintenant il n’ y a plus de Belges donc plus de racisme ».

« Pour les jeunes du quartier c’est devenu très difficile. Ils ne trouvent pas de travail, ils ne veulent pas aller à école, boivent et se droguent. Les jeunes turcs se droguent également mais moins que les Marocains. Dans le quartier il n’y a pas suffisamment d’activités pour les jeunes aussi bien culturelles, sociales que sportives. Les organisations se donnent trop peu de peine pour atteindre le voisinage et ses habitants. Ils sont seulement en train de taper sur l’ordinateur ».

« J’ai moi-même déposé un rapport à la commune de  Schaerbeek et cela  a produit des résultats.  Je suis membre de l’équipe de football Trabzon sport depuis 33 ans et j’ai créé une  équipe de football pour les jeunes. J’ai de bons contacts avec la commune de Schaerbeek. Le bourgmestre s’investit beaucoup dans le quartier. Il y a beaucoup d’activités sportives, un terrain de sport et d’autres activités. Il vient souvent dans le quartier et est très aimable. Il aime ses habitants. Le côté bruxellois du quartier est moins bien ; les habitations sociales sont sales. Là le quartier est moins bien entretenu. La police s’enfiche et  ne fait pas bien son  travail. Si tu quittes Schaerbeek c’est un monde différent, les trottoirs sont mal faits, tu dois faire attention de ne pas cogner avec ta tête contre un arbre ».

« Malgré tous ces problèmes je ne voudrais jamais quitter le quartier. J’ai été éduqué ici et j’ai beaucoup de contacts. J’aide de nombreuses personnes dans le voisinage et je suis membre de la mosquée. J’ai  toujours été très actif dans le quartier, j’aide les gens avec des traductions, avec les papiers qu’ils ont besoin pour l’ambassade, ou chez le docteur. J’ai beaucoup de projets dans ma tête, surtout concernant le sport et les jeunes avec leur suivi scolaire. Je traduis pour les parents s’ils ont des  contacts avec  l’école. Je parle aussi un peu le néerlandais. Beaucoup de parents ne connaissent pas le français ou le néerlandais. Chaque jour il y a beaucoup de problèmes ici notamment en matière de santé, situation économique, administrative, sociale… Je veux toujours aider les gens. Je ne peux pas rester dans mon fauteuil à ne rien faire ».

« J’ai exercé de nombreux métiers : 14 ans dans la métallurgie, j’ai travaillé comme responsable du personnel dans une usine qui fabriquait des mannequins,  2 ans au  syndicat la FGTB, 2 ans à l’Union Européenne.

 

Histoire drôle ; 

Autrefois j’avais de véritables Belges comme voisins. Mon voisin Albert disait toujours inchalat kapot. Je lui ai demandé pourquoi tu dis cela ?  Il m’a répondu qu’il  était assis sur une WC turc à genoux et que la toilette s’est brisée en deux. Il est tombé et a dû aller à l’hôpital. Albert avait aussi pris une autre femme. Ils a eu beaucoup d’enfants qui avaient tous une tête différente. Il y avait même un roux. Il disait d’un gosse : je suis certain de lui car il me ressemble. Les gens ont beaucoup ri avec lui.

Autrefois il y avait un Turc ici qui ne parlait pas français. Il est allé chez un grand docteur mais il parlait uniquement le turc. Le docteur lui a donné un suppositoire. Mais il pensait que c’était une pilule ordinaire pour avaler. Le pauvre homme a eu des douleurs à son œsophage, à sa poitrine et au ventre. Il m’a demandé si je voulais l’accompagner  pour traduire.  Chez le docteur, celui-ci lui a expliqué par signe qu’il ne devait pas le mettre dans sa bouche mais dans son derrière. Nous avons bien ri ».

Fermé

Les gens pensent que nous sommes fermés or ce n’est pas le cas. Ils disent cela peut-être par jalousie parce que nous avons des maisons ou parce qu’ils nous regardent avec des préjugés. Nous nous comportons de la même manière qu’eux se comportent avec nous. Nous sommes une nation, un peuple avec de l’honneur. Ils se demandent pourquoi nous avons des maisons. Nous travaillons et épargnons en nous serrant  la ceinture. Pourquoi faisons-nous du commerce ? Parce que nous ne trouvons pas de travail ailleurs. Si un Turc avait suffisamment d’argent il rentrerait en Turquie. Nous ne sommes pas venus ici pour notre plaisir. Nous nous aidons l’un l’autre car nous ne sommes pas aidés par les autres.

Les gens nous excluent. Nous obtenons par exemple moins d’habitations sociales que les Marocains et les Belges. Les Marocains sont mieux intégrés car ils connaissent déjà la langue grâce à la quelle ils obtiennent plus rapidement du travail.  Nous recevons aussi beaucoup de remarques racistes des Marocains qui nous qualifient d’idiots parce que nous maitrisons moins bien le français.

Au travail nous recevons aussi beaucoup de remarques racistes. A mon travail le petit chef a dit aux Turcs :  les moutons,  allez au réfectoire.  Alors je suis allé protester auprès du patron qui est aussi Turc

Si nous allons au marché chaussée d’ Anvers, il y a beaucoup de problèmes. Beaucoup de Turcs ne connaissent pas le français et ils sont insultés  par les vendeurs qui ne sont pas toujours corrects. C’est toujours la guerre au marché. Cela me fait mal au cœur quand ils nous insultent pour des idiots.

Je me sens bien intégré mais la culture belge est pourtant encore quelque chose d’autre. Elle est très différente. Nous tenons quand même encore à notre culture. Nous contrôlons nos enfants car nous ne voulons pas qu’ils deviennent des clochards ou des drogués ou que nos filles deviennent des putes. Même un enfant de 18 ans doit encore être structuré. Celle me fait mal au cœur quand je vois combien de jeunes on pris la mauvaise direction.

J’ai quand même un peu de difficultés avec la politique actuelle. J’ ai travaillé ici pendant des années et j’ ai seulement une petite allocation. Les nouveaux venus dans le quartier, Bulgares et Roms, qui n’ont jamais travaillé ont droit au CPAS. Ils reçoivent 1500 euros. Et après  la population belge nous considèrent pareils alors que j’ai travaillé ici durant des années.

Quand mon fils a obtenu son allocation il n’a plus été autorisé à habiter chez moi parce que j’ai aussi une petite allocation. Il y a des gens qui doivent vivre en rue avec une allocation de 800 euros. Ils ne peuvent pas louer quelque chose de 700 euros. Il y a même des hommes plus âgés qui doivent ramasser des mégots de cigarettes afin de pouvoir fumer ou qui doivent fouiller dans les poubelles car ils ne savent plus payer. Même des amis ne peuvent pas partager un appartement s’ils jouissent d’une allocation. Qu’est ce qu’ils  doivent faire, se marier l’un à  l’autre (mariage homosexuel)

Marianne 55 ans

Elle travaille depuis  presque 10 ans chez Elan (le restaurant et le centre de formation sociale dans le quartier). Elle  y est responsable opérationnelle dans un projet de travail pour des personnes non qualifiées. Les personnes qui suivent  les formations professionnelles sont presque uniquement des gens qui sont envoyés par le VDAB et habitent presque tous en dehors du quartier.

Elle-même habite à Louvain. Elle trouve que le quartier Nord est un quartier sale et dangereux. Les gens y sont renfermés et ont  une grande gueule. A son grand regret elle a aussi eu des expériences désagréables dans le quartier. Elle a ainsi  déjà été volée 10 fois dans les environs de la gare du Nord. Elan a été cambriolé plusieurs fois, parfois en  plein jour. Ils brisent les vitres des voitures devant le restaurant. Elle trouve ces expériences négatives pas véritablement motivantes et elle ne voudrait jamais venir habiter ici.

Pour elle les étrangers à Louvain sont mieux intégrés. Ici  après 10 ans ils ne maîtrisent même pas unes des langues nationales. Ainsi a-t-elle connu une femme iranienne du voisinage. Cette femme était professeur en Iran et après 10 ans elle ne parlait pas encore un mot de français. Elle trouve que les gens doivent s’intégrer et trouve regrettable qu’elle soit trop vite insultée de raciste si elle ose donner une remarque. Mais bien sûr cela doit venir des deux côtés : nous devons les accepter et ils doivent s’intégrer.

Personnellement elle n’a pas de contacts avec les habitants du quartier. Ses clients sont surtout des a.s.b.l. Les gens qui y travaillent ne sont pas eux-mêmes résidants à Bruxelles. Aussi, le centre de formation Elan n’a pas vraiment de contacts avec les habitants du quartier ; peu de gens du voisinage viennent manger ici. Parfois une femme belge plus âgée vient y manger. Du fait qu’ils ont déjà beaucoup de clients, à savoir des navetteurs  qui travaillent dans les bureaux des environs, ils ne font pas beaucoup de publicité dans le quartier.  Le centre Elan n’est pas bien visible de la rue,  il se situe dans une arrière maison. Elle pense aussi que les prix sont peut-être trop élevés pour ce voisinage pauvre et peut-être aussi le fait que les repas ne sont pas halal. Cela freine les gens. Mais chez Elan ils essayent parfois de tenir compte de ce fait et alors ils préparent par exemple un spaghetti bolognaise halal qu’ ils placent explicitement  sur  la carte du menu comme halal.

Personnellement elle n’as pas d’endroit  préféré dans le quartier Nord mais c’est en partie du fait qu’elle connaît insuffisamment le quartier. Elle travaille chez Elan et après son boulot elle prend  le train direction  Louvain. Personnellement elle trouve qu’il y a suffisamment d’activités sociales et culturelles dans le quartier car régulièrement on vient lui demander de suspendre une affiche ou de déposer des tracts dans le restaurant.

Evelyn 28 ans

Elle a 28 ans, est d’origine belge et est mariée avec un Portugais. Initialement elle était originaire de Diegem.  Depuis un an et demi elle travaille chez Elan (le restaurant social et le centre de formation professionnelle dans le quartier). Son travail lui plaît.

En 2001, elle a déménagé vers le quartier Nord vu que c’était meilleur marché pour y louer une habitation. Sa première impression du quartier Nord a été que c’était un quartier normal. Elle y a des bons contacts avec le voisinage. Elle a par contre été frappée par le grand nombre de Marocains et de Turcs qui y vivent. Mais cela ne lui pose aucun problème qu’ il y a des différentes nationalités , son mari  aussi est Portugais. Elle trouve que la plupart des gens ici sont polis même si certains ont une grande bouche et sont hypersensibles, qu’ils klaxonnent par exemple trop vite devant les feux rouges.

Elle se sent bien dans son quartier, ce n’est pas trop dangereux ici et elle ne s’en plaint pas. S’il y a un point qu’elle voudrait changer ici ce serait la propreté. « Quand je trouve quelque chose en rue je le ramasse et je le jette dans la poubelle. C’est une question d’éducation mais les écoles du voisinage font déjà  du bon travail. Ils apprennent par exemple aux  jeunes comment ils doivent recycler ».

Elle même ne participe pas aux activités sociales et culturelles dans son quartier car elle ne les connaît pas. Mais elle se rend souvent  au marché et dans les parcs dans le quartier Nord.

Gorye 52 ans

Gorye a 52 ans et  habite déjà 20 ans en Belgique.  Il est originaire d’une ville moyenne au Chili et a obtenu un diplôme en comptabilité. Il y a 10 ans il a ouvert un restaurant dans le quartier Nord au début de la Chaussée d’Anvers, Casa Campa. Quand il est arrivé à Bruxelles il ne trouvait pas qu’il y avait de grandes différences entre le Chili et la Belgique. Les gens au Chili ont les mêmes  buts qu’ici. Il avait déjà l’habitude de vivre dans une grande ville.

Mais il trouvait que le quartier Nord était un quartier très appart et mixte.  Les travestis qui se prostituent le soir en faisant le trottoir , les différentes nationalités et les grands bureaux avec les navetteurs. Il trouve le quartier aussi assez marginal. Lui-même habite à Ganshoren mais à cause de son restaurant il passe la plus grande partie de son temps dans le quartier Nord. Il trouve qu’il y a  beaucoup de délinquance dans le quartier et que les habitants ne se donnent pas la peine de mettre leurs saletés dans la poubelle ou dans des sacs.  Il trouve les gens ici également très agressifs et hypersensibles ; si on ose faire une remarque ils montent directement sur leurs grands chevaux. Il y a dix ans il  trouvait le quartier un peu plus tranquille.

Régulièrement il a à faire à du vandalisme. Chaque année sa porte d’entrée est brisée mais se ne sont pas les habitants du quartier. Ce ne sont les SDF de la gare du Nord qui embêtent les commerçants du voisinage. Ils viennent  la nuit cambrioler car eux-mêmes ne posséder rien. Selon lui la police a peur d’intervenir. La dernière fois quand ils ont cambriolé il a dû attendre 2 heures alors qu’un commissariat se trouve à 50 mètres de distance.

Il a bien de bons contacts avec les habitants et les voisins du quartier : des Belges, des Marocains, des Turcs, des Grecs et des Noirs. Ici dans le quartier n’habitent presque pas de Sud Américains. Mais les gens du quartier ne viennent pas manger dans son restaurant. Ce sont presqu’uniquement des navetteurs qui travaillent dans les grands buildings. Lui-même ne se donne pas la peine d’attirer des gens du voisinage vers son restaurant, il ne veut pas trop se mêler avec les gens d’ici.

« Bien sur, pas tout le monde est violent ou ennuyeux ici ».  Personnellement il ne participe pas aux activités sociales et culturelles dans le quartier. Le voisinage a beaucoup d’activités très sympathiques, mais le quartier l’effraye. « On retient uniquement les mauvaises affaires du quartier. Et on oublie que beaucoup de gens qui habitent ici sont aussi aimables ».

Mais toutes ces expériences négatives dans le quartier lui ont donnent beaucoup de stress jusqu’au point où  il veut peut-être fermer l’affaire qu’il a construit lui-même avec beaucoup d’amour. » Ils flanquent leur saleté sur ma terrasse quand il y a des clients ». Il a le sentiment qu’on l’embête un peu ici.

Il trouve que beaucoup d’habitants ne sont pas bien intégrés. La Belgique nous reçoit, on devrait leur être reconnaissant. Beaucoup obtiennent ici des faveurs sociales comme un appartement ou une allocation. Il pense que dans le quartier Nord beaucoup de gens qui y habitent n’ont aucune éducation correcte. Beaucoup de personnes d’origine étrangère ont une mentalité de paysan et ont des difficultés a s’adapter à la vie de la ville et à vivre ensemble. Il trouve aussi que la ville a investi beaucoup dans le quartier par rapport  à avant mais les changements vont très lentement.

Renée 72 ans

Elle est née à Etterbeek. Sa mère travaillait comme vendeuse dans un magasin de matelas rue Haute, au centre de Bruxelles. Elle y a été éduquée par la patronne du magasin. Quand elle était petite la patronne la mettait dans un grand bassin métallique qui se trouvait derrière le comptoir.

A l’âge de six ans, elle est allée au pensionnat dans les Ardennes, d’ où sa mère était originaire. A l’âge de 15 ans elle est venue travailler comme femme d’ouvrage dans un crèche au quartier Nord.  Plus tard elle a travaillé chez Côte d’Or à la gare du Midi. Elle a alors habitée dans les environs de la gare du Midi.

Il y a trente ans elle est venue habiter dans le quartier Nord, chaussée d’Anvers au Foyer Laekenois, pas très loin de l’ancienne crèche où elle a travaillé pour la première fois.  Elle  travaillait en tant que femme de ménage dans  une des grandes tours du quartier Nord. Elle a même vu tomber un ouvrier du bâtiment. Le pauvre il était mort  sur le coup. Ce n’était pas beau à voir.

Lors de son installation dans le quartier, celui-ci avait beaucoup changé. « Beaucoup a été démoli et  du nouveau a été reconstruit, entre autres les tours WTC. A cause des hautes tours il y a moins de lumière dans le quartier et on ne peut plus voir le centre ville. On va même encore aménager des parcs ici.  Aussi longtemps qu’ils ne viennent pas construire sur ma terrasse c’est ok ». Elle se rappelle encore le bon vieux temps quand Saint Nicolas  tirait sa charrette à travers le  quartier Nord.

Avec ses voisins marocains  du Foyer Laekenois elle a des bons contacts.  Ils sont  comme de la famille. « Les enfants de mes voisins marocains sont comme mes enfants ; je les ai vus grandir ».  Sa personnalité a changé grâce à la présence des personnes d’origine étrangère du quartier. Elle est devenue multiculturelle. Elle mange souvent du pain marocain et turc.  Elle aime la cuisine marocaine, le tagine aux olives, le couscous et la pâtisserie sucrée. L’unique problème dans son bloc d’habitation ce sont  les ascenseurs  qui ne fonctionnent pas toujours mais avec  ses voisins elle n’a pas de problème.  Elle a aussi été plusieurs fois en vacances au Maroc. Elle a trouvé Tanger une très jolie ville et elle a vu les Gnawa danser mais les gens demandent bien aux touristes beaucoup de bakchich (pourboire).  Elle aime la nourriture étrangère car elle a beaucoup de goût. Avec les Marocains et les Belges elle a des bons contacts. Les Turcs du quartier Nord sont par contre plus fermés.

Elle se sent bien intégrée dans le quartier. Il y a un bon service social aussi bien le  Centre Harmonie que le Centre Millénium ou celui de la Cohésion Sociale. Elle se rend souvent au Centre Harmonie, elle y échange des livres avec d’autres visiteurs. Le jeudi après-midi elle préfère le Centre Millenium car alors il y a de la tarte.

Elle aime bavarder. (Ils l’appellent la babbeles). Elle ne voudrait pour rien au monde quitter le quartier pour aller habiter à « Louise ».  Elle restera toujours ici et tout doit rester comme c’est du WTC jusqu’à la pâtisserie marocaine.

Elle a de la compassion avec les femmes qui travaillent dans les tours, elles doivent faire la navette, elles sont assises des heures dans le train et doivent après encore faire le ménage. Elle n’a jamais fait la navette .Elle a toujours habité à proximité de son travail.

Autrefois elle dessinait et faisait de la peinture  pendant son temps libre mais elle n’a jamais aimé visiter les musées. Elle  préfère aller à la mer.

Thérèse 88 ans

Thérèse est née dans le quartier Nord, à la Chaussée Anvers.  Avant il y avait un joli cortège avec  Saint Nicolas  qui tirait une charrette,  On y trouvait beaucoup de magasins où on trouvait de tout. Et il y avait aussi  beaucoup de cafés mais elle n’est jamais allée au café.  Au cours de son enfance elle a suivi ses parents qui ont déménagé à Evere .

Mais en 1975 elle est revenue habiter le quartier Nord.  Elle a trouvé que le quartier avait complètement changé. Tout a été démoli pour le projet Manhattan,  même  le cinéma. La Chaussée d’Anvers semblait bien être une autre chaussée. « Autrefois tu avais beaucoup de magasins et des cafés jusqu’au bout de la chaussée, c’était un temps agréable et amusant « .

Avec ses voisins, elle a des contacts restreints ; juste un bonjour et un bonsoir. Mais s’ils ont besoin de quelque chose ils peuvent  toujours compter l’un sur l’autre. Son voisin marocain est très aimable. « Partout  il y  a des bons et des mauvais. La manière dont quelqu’un se comporte avec vous dépend de la façon dont tu te comportes avec lui. »

Elle se sent bien intégrée dans le quartier auquel elle tient. Elle y a un bon coiffeur et une bonne pédicure. Ici il ya beaucoup de facilités; il y a le marché et il y a les transports en commun.  Maintenant elle vient tous les jours au Centre Harmonie où c’est facile de manger.  Ici au Centre on est bien reçu, le personnel est gentil et la nourriture est bonne.

Elise 79 ans

Voilà déjà 12 ans qu’Elise habite le quartier Nord. Autrefois elle habitait Laeken. Mais comme les loyers étaient moins chers dans le quartier Nord et qu’elle a  obtenu un appartement social elle a préféré y vivre.  Pour Elise il y a une grande différence entre son ancien  quartier à Laeken et le quartier  Nord. A Laeken elle avait plus de contacts sociaux avec ses voisins. Dans son quartier actuel de nombreuses nationalités cohabitent et les voisins n’ont pas de véritables contacts entre eux. Lorsqu’ils se croisent cela se limite à un bonjour – bonsoir. Comme elle éprouve des difficultés à marcher, son voisin l’aide parfois

Sa première impression du quartier Nord était que c’est un quartier très populaire. Mais maintenant elle s’y sent bien intégrée. Autrefois elle ne connaissait pas le quartier mais elle avait entendu dire par d’autres habitants qu’il y avait beaucoup d’activités ainsi que des magasins. Et la braderie aussi semblait très chouette.

Son endroit préféré du quartier est le centre social Harmonie. Elle a des difficultés à se déplacer mais c’est le chauffeur du centre qui vient la chercher à la maison. Comme elle vient chaque jour au centre Harmonie, elle a de nombreux contacts sociaux.  Il y a beaucoup d’activités et on apprend à connaître  des gens lors des repas. Maintenant elle trouve son quartier chouette du fait qu’elle y a construit un tissu social. Elle ne veut plus déménager.